Sur l'écran

Publié le par battuta

D’abord j’ai ressenti une sorte de peine – ces mots, ces pattes, tu n’y comprenais goutte et sur l’écran, c’était ta propre image que tu trouvais, ou quelque autre apparition indéchiffrable.

Comme le soir d’avant, à l’avantage d’une lumière basse, tu t’étais mise en chasse d’un reflet dansant sur ton tapis volant, tu poursuivais maintenant une chenille de mots qui s’étirait sur le miroir brillant.

Tandis que de la main droite je continuais à taper les lettres pas à pas, contre mon bras gauche tu t’agrippais, agitée à chaque nouvelle ligne, émerveillée à chaque fois que d’un geste décidé, je pressais sur la touche entrée.

Ta mémoire, page encore vierge, lisse comme le miroir traversé, à chaque instant une autre image capture, une nouvelle phrase retient. Tu seras assez grande, bientôt, trop tôt, pour mélanger les vers à ta guise, assembler les mots en demeures à chenilles, leur ouvrir une fenêtre pour l’envol.

Ces mots, ces pattes, je n’y comprenais déjà plus rien, et sur l’écran, c’était ma propre image que je voulais chasser, mes propres petites lèvres neuves que je voulais, comme sur les tiennes maintenant, apposer.

Publié dans Portraits

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article