Comment écrire après cela?


J’imagine notre poète de Gaza se poser cette question, non pas aujourd’hui, car il doit encore penser à survivre, mais demain, quand il aura survécu.

 

Comment écrire, alors que tous mes graffitis précédents ont volé en éclats ou ont été recouverts de cette chaux blanche dont on fait le linceul des cadavres ?

 

Comment écrire, alors que l’écriture même est guidée, comme un missile, vers cette cible incertaine et fuyante qui s’appelle l’humain et dont l’opinion n’a plus rien renversé depuis quarante ans ?

 

Comment écrire si mes mots seront soupesés et comptés comme le nombre de nos morts mais avec déjà, sur l’autre nacelle du balancier, une tonne de plomb impossible à faire léviter ?

 

Comment écrire quand la guerre qui a touché en premier lieu nos enfants devient le prétexte pour des jeux vidéo où démolir un hôpital permet d’engranger le plus de points?

 

J’imagine notre poète marchant seul au-delà du mur: il a l’air sain, il tient debout. La blessure dont il souffre est pourtant la plus mortelle de toutes : en lui, la dernière lueur d’espoir s’est éteinte.


Seul reste ce squelette, ce vaisseau fantôme nommé Gaza, qui entraîne dans son sillon ce qui demeure, parmi ses assaillants mais aussi en nous tous, de conscience.

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