XXP

Hani lit sur les lèvres. Cela ne sert à rien d'hurler, il n'entend pas.

Le narguilé, la cigarette, la vie aussi, l'ont usé, et je décèle dans sa gorge la présence d'un caillot qui bientôt l'empêchera de parler.

Hani écrit. Il a toujours écrit, du temps de l'exil à Damas, à Beyrouth, à Baghdad et Koweit, même du temps où, entre vivre avec sa femme et ses enfants et rejoindre la Palestine, il choisit la Palestine. "P-a-l-e-s-t-i-n-e", griffonne-t-il sur le bout de journal placé ente lui et moi.

Il y a quelques jours, Hani s'est rendu à l'ambassade de Grande-Bretagne. Motif? Rendre visite à son fils, qui vit à Londres.

Le fonctionnaire de l'ambassade, dans la case "nationalité" du formulaire d'admission, note "XXP". Hani ne comprend pas.

- Je savais que XXL était une taille d'habits. HP une marque d'imprimantes. Mais j'ignorais que XXP voulait dire "Palestinien".

Un sourire coule sur son visage creusé par d'innombrables rigoles. Si la dignité se décèle dans l'ironie, et dans l'ironie la tristesse, alors Hani est le plus digne, et le plus triste des hommes. 

Il sort sa carte d'identité, document soigneusement glissé dans une fourre verte. Son doigt tremblant s'arrête sur cette ligne:

Lieu et date de naissance: Haïfa, 13 mars 1944 (*).

- Tu vois, je suis plus vieux qu'Israël, qui vient de fêter ses soixante ans!

Hani ne parle ni d'un retour à Haïfa, ni de destruction, ni de vengeance, ni de violence.

-  Ils ont le droit comme moi à un Etat et à une terre. Oui, ici, en Palestine. Mais je veux juste qu'on m'explique: ça veut dire quoi, XXP?


(*) Prénom, jour et mois de naissance modifiés.
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