Il Modernissimo

Un dicton dit que quand Neil Armstrong débarqua sur la lune, un bergamasque l’y attendait déjà pour lui servir un risotto.

Eh bien quand IKEA atteignit pour la première fois la lointaine Australie, le géant scandinave y trouva, déjà solidement enraciné dans le marché des meubles, le roi du Mediterranean Kitsch.

Franco Cozzo avait vingt ans lorsqu’il débarqua à Melbourne en 1956 depuis sa Sicile natale. « Quand j’arrivai, il n’y avait personne pour venir me chercher. Ce fut un jour noir. Mais ensuite je me dis : ‘Franco, réveille-toi, c’est ta vie, tu dois te bouger !’ »

Franco tenta sa chance dans les meubles, et pas n’importe lesquels. Lits matrimoniaux tous de stuc, ornés de putti jouant de la lyre, incrustés de miroirs, divans d’ivoire recouverts de roses, armoires aux trajectoires baroques, autant de pièces uniques importées directement d’Italie qui firent immédiatement un malheur.

Ses clients ? Des Italiens et des Grecs majoritairement (à Melbourne se trouvent les plus grandes communautés émigrées grecques et éoliennes au monde). Et les Australiens de souche, Franco ?

« In Australia you need honesty, be good with public, be sincerity, make the people to trust you and you become the door open. No try to do any tricking because when you do tricking you finish. »

On en retient que l’homme a dû mettre un moment pour s’adapter à l’honnêteté ambiante. Sa stratégie de conquête des coeurs australiens est résumée dans le clip publicitaire qu’il a lancé au début des années 80.

Si l’on admet que pour se faire accepter dans nos sociétes froides, « honnêtes » et protestantes, les Italiens, après mille humiliations, surent apprendre à jouer sur leur côté « sympathique » et « théatral », eh bien le clip de Franco Cozzo est un chef d’oeuvre du genre.

Preuve qu’un cliché n’est pas uniquement le produit d’un rapport manichéen de dominé à dominant. Vingt ans plus tard, Franco Cozzo fait toujours vendre, comme des petits pains, ses meubles de massepain.

[Photo et citations tirées de l'article "perfectly franco", S. Horsburgh/B. Kidd, theage.com]