Gaza, pour rien


-Why are you going to Gaza?

Elle injecte mon nom, et mes bonnes raisons, dans son système informatique compliqué.

Puis des portes en béton s'ouvrent, des interphones crachent des soupirs. Je sais, la comparaison est facile, mais au moins elle a le mérite de reposer sur du vécu: une prison moderne ne fonctionne pas différemment que l'engrenage du terminal d'Eretz.

De l'autre côté, c'est d'abord le pays de personne. Des hommes semblent broyés par des structures de béton absurdes. Ils ont vraiment un sourire d'au-delà, ces porteurs, deux fois plus nombreux que le total des gens autorisés à passer aujourd'hui.

Et puis, c'est l'avancée vers la ville. Beaucoup de voitures fonctionnent à l'huile de friture, et ça la sent jusque dans le coeur des frites, et ça sent la morue le long de l'interminable plage. Des gens se baignent quand même. Notre chauffeur avance:

- Prenez-moi avec vous. Je veux foutre le camp.

Jusque là, c'est lui qui nous emmène vers le coeur d'une lune où vivent plus d'un million et demi d'habitants. On dirait qu'ils ne sont que cinquante. Les rues sont vides, pas de trafic.

Gaza, l'humidité solidifie la chaleur. La mer ressasse. Le vent rabâche. Il se souvient de l'Egypte.

-Belle, mais pas plus de deux semaines. Il y a quelque chose d'amusant chez les Egyptiens. Ils sortent, tombent amoureux, couchent avec les filles, boivent, parlent de tout, sauf de politique. Nous, c'est exactement le contraire: politique, politique, jusqu'à point d'heure, mais les filles...

Les filles. Elles sont partout pourtant. Je pense: être une fille à Gaza...et puis je me rebiffe, sachant qu'elles aussi, elle savent se rebiffer. Comment parler d'elles? Je peux juste dire qu'elles sont là, et avec elles, une résistance.

Notre chauffeur continue de tourner jusqu'à ce que je comprenne. Il n'y a pas de sens à tout ça. Dans ma tête le taxi poursuit, parcourt les venelles et les vaisseaux, évite les vagues et les frondes de vent, les balles même, les gendarmes couchés, mon regard en croise d'autres, mais ces gens sont d'un autre monde. Je ne suis là pour rien.

- What have you done in Gaza?

Elle injecte mon nom, et mes bonnes raisons, dans son système informatique compliqué.
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