Gleimtunnel Story

Publié le par battuta


Sa vie durant, l'homme-clé s'était engagé pour que le Gleimtunnel soit pourvu d'éclairage.

Il y a fort longtemps, on lui avait assigné la tâche de recenser les personnes qui passaient chaque jour dans le tunnel. Scrupuleusement, pendant des années, il avait compté les ombres qui transitaient par là: médecins détenteurs d'autorisations spéciales, membres de familles séparées, espions.

Et puis, il y avait cette silhouette de femme. Ce parfum. Ces talons martelant le sol du Gleimtunnel. Il ne put la voir, caché qu'il était dans un coin obscur du tunnel. Mais les ondes provoquées par les pas de cette femme remplissaient les cavités sombres de son coeur.

L'homme-clé se refusa de la comptabiliser dans ses statistiques de surveillance. Ainsi, à la fin de chaque semaine, il remettait à l'Autorité des listes remplies de dizaines de bâtonnets inscrits dans le noir, des dizaines de coches - moins une.

Quand le comité de soutien pour l'éclairage du Gleimtunnel obtint enfin gain de cause, l'histoire avait changé. Celle qu'il avait sciemment "ignorée" pendant de longues années, lui apparut pour la première fois sous le tungstène magenta d'un soir de novembre. Son visage et ses longs cheveux, combien de fois les avait-ils imaginés, dessinés dans le noir, dans ses moments de solitude?

Désormais, l'homme-clé traverse tous les jours le Gleimtunnel en poussant leur petit Günther, jusqu'au Kindergarten situé de l'autre côté.


[Inspiré d'une nouvelle d'Heinrich Böll, Die ungezählte Geliebte].

Publié dans L'homme-clé

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