Cent ans de solitude
Germaine Tillion est morte le 19 avril à cent ans.
C’était une femme extraordinaire. Ce que j’ai lu d’elle (le récit de sa survie dans un camp de concentration, Ravensbrück, égale celui de Primo Levi), et ce que j’ai lu sur elle (notamment une biographie de Jean Lacouture, La vie est un combat, ainsi qu’un excellent numéro de la revue Esprit), m’a beaucoup impressionné.
Ethnologue en Algérie, dans les années 30, elle a vécu seule dans la région des Aurès auprès du peuple berbère des Chaouïas. Il a fallu plus d’un demi-siècle avant qu’elle parvienne à rassembler les nombreuses notes rédigées durant ses séjours en un livre qui fait toujours référence : Le Harem et les cousins.
Entre temps, la Deuxième Guerre mondiale avait éclaté. Entrée en résistance, Germaine Tillion fut détenue en France, continua de travailler en prison sur sa thèse d’ethnologie, puis fut déportée à Ravensbrück.
Son récit sur la vie dans le camp est à couper le souffle. La solidarité, notamment féminine, les relations établies avec les autorités, l’économie de la survie : dans les détails, les moyens que l’humain développe pour résister en prison, sous l'occupation, face à l'Inhumain, face à la mort. Tout est là.
Et tout, malheureusement, continue d’être là.
A peine sortie des camps, nouveau séjour en Algérie dès 1954, au moment où une autre, infâme guerre commence. Là encore, peu de choses à reprocher à Germaine Tillion, toujours rangée du côté des justes.
Cent ans de combat contre l’impérialisme, le colonialisme, l’exploitation, la guerre, les gestapos et la torture. Cent ans pour la liberté et la justice.
Cent ans de solitude.